La souffrance du monde sur scène
Wiebke Hüster - Frankfurter Allgemeine Zeitung (25 août 2019)

Le nouveau spectacle de danse de Needcompany, présenté en première à la Ruhrtriennale, montre le monde tel qu'il est, sans pour autant le rejeter. Une image grave, divertissante et surtout rassurante.

« A quel point une idée à la base d'une série télé peut-elle être dingue ? Bien sûr jamais aussi dingue que la vraie vie. » C'est en ces mots qu'un critique balayait récemment l'idée selon laquelle la fantastique série Netflix “How to Sell Drugs Online (Fast)” se basait sur une intrigue inventée. Un ado avait vraiment gagné des millions avec une boutique en ligne de drogue. L'étonnant langage de la série n'a aucune pitié pour les parents d'ados. « Explicite » est un euphémisme pour les expressions et les noms de pratiques sexuelles qui sont ici de la revue.

Pourtant, il n'est pas du tout révoltant, mais justement rassurant de voir avec quel calme et quelle tranquillité ces jeunes adultes peuvent se lancer dans un monde qu'ils n'ont pas choisi. Un monde dans lequel les parents se gueulent dessus et se laissent, eux et leurs enfants, livrés à eux-mêmes. 

Vous sentez  là un index moralisateur qui se dresse ? Très bien ! Voilà qui touche le cœur du nouveau, grand spectacle de la compagnie flamande fondée en 1986 Needcompany. « Tout le bien » est une création hybride entre jeu théâtral, danse, concert, installation et conférence. Et c'est pour deux raisons plus formidable, plus drôle et plus libérateur que “How to Sell Drugs”. Premièrement parce que ça se passe en live. En live ! Et deuxièmement parce que les adultes de « Tout le bien », qui était donné en première dans la Maschinenhalle Zweckel à la Ruhrtriennale, ne sont pas les victimes volontaires d'une classe moyenne qui s'ennuie mais mènent eux aussi quelque chose qui mérite de s'appeler « vie ». 

Comme un moment avec de vieux et de nouveaux amis

Jan Lauwers, auteur, metteur en scène et acteur évoluant cette fois plutôt à l'arrière-plan, sa compagne l'artiste, chorégraphe et danseuse Grace Ellen Barkey, et leurs enfants Victor Lauwers et Romy Louise Lauwers joue tout ce qui en principe fait se dresser les cheveux des spectateurs sur leur tête. Accompagnés par d'autres partenaires de scène hors du commun, ils se jouent eux-mêmes -ou plutôt une version fictive de leur famille théâtrale débordant d'amour et sans langue de bois- dans une sorte de workshop ou d'atelier. Un ancien soldat d'élite de l'armée israélienne, le danseur Elik Niv, endosse un rôle particulier en tant que petit ami de la fille. On lui demande abruptement comment il a pu tuer. Réponse : notamment à cause de la distance linguistique avec l'acte réel. Ils appelaient ça « récolter des oreilles ».

Au lieu de tabous, la nudité est présentée pendant deux heures de manière ludique, tendre, violente et parfois obscène. Les enfants et les parents discutent d'amour et de sexualité. Cela mène à un passage réussi vers un nouveau niveau d'intimité familiale. Les conflits militaires  sont en apparence abordés seulement par hasard. La Descente de croix de Rogier van der Weyden, peinte dans la première moitié du 15e siècle, est interprétée comme un autoportrait de l'artiste, qui a consacré sa vie à l'art, qui a donné une expression à la souffrance du monde, jusqu'à l'épuisement. L'art ne doit être rien moins que ça, estime Needcompany -rempli de politique, mais pas aussi plat que celle-ci. 

Une grande partie de la soirée se déroule de manière plutôt sérieuse et est liée à certaines questions sur notre relation au monde. Mais il y  a aussi une place pour un non-sens drôle, ludique et poétique. Les compositions du charismatique musicien Maarten Seghers donnent à la soirée un tour rythmique et émotionnel et accompagnent les intéressants passages dansés. C'est une expérience extraordinairement belle de vivre ce théâtre. C'est comme un repas avec de nouveaux et anciens amis, comme s'asseoir longtemps à une grande table où tout le monde amène dans la conversation ce qui le préoccupe. Aussi fou que ce soit. On n'est pas d'accord avec tout ce qui y est dit, mais on apprécie de pouvoir y partager « Tout le bien ».

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