Un écheveau humain de copulation contagieuse
Sander Hiskemuller - TROUW (23 mai 2005)

« Je suis un biscuit, » lance le comédien Julien Faure au public avec un large sourire. « C’est un jardin que vous visitez ici. Vous avez faim et vous me voyez: un biscuit ! » Avide d’attention, ce directeur de cirque farfelu baisse son pantalon derrière l’un des nombreux panneaux à fleurs qui font du décor un labyrinthe bariolé. Le jardin que la troupe belge Needcompany met en scène dans ‘Chunking’ est indubitablement le Jardin des délices de Jérôme Bosch : un univers criard et haut en couleur de pensées cachées, de fantasmes jaillissants et de désirs érotiques qui couvent sous la cendre. Le comédien Benoît Gob scande dans un français rustique tout ce qui lui passe par la tête, sans discontinuer, comme un Charlot qui se serait emballé. La danseuse Tijen Lawton se faufile nonchalamment parmi toutes les folies de ce cirque ; le strass de sa petite robe noire forme un visage de femme triste. Avec Maarten Seghers et Louise Peterhoff, ce petit ensemble excentrique se promène d’un numéro à l’autre. Un bouledogue français reniflant qui se jette sur une petite chatte en chaleur. Des poissons qui nagent sur la terre ferme, dansant avec des vases de fleurs devant leurs parties intimes. Ils finissent en un écheveau humain de copulation contagieuse que le ‘directeur de cirque’ Faure a bien du mal à démêler. ‘Chunking’ est un spectacle à l’intersection entre la danse, l’art plastique et la performance. La prouesse, c’est que la chorégraphe Grace Ellen Barkey parvient à nous emmener de façon très organique d’une folie impérieuse vers un pessimisme d’un genre inéluctable. Inspirée par le principe du ‘chunking’ en psychologie – qui désigne la construction de petits ‘paquets’ de souvenirs à partir du conscient ou de l’inconscient – Barkey déconstruit peu à peu la joyeuse absurdité précédemment campée en petits ‘chunks’ plus obscurs qui définissent subrepticement notre conscience. Après l’étrange gaieté qui définit l’ambiance de la première partie, la deuxième se traîne d’une rencontre noire à l’autre entre les personnages éteints. La danseuse Peterhoff se fait soulever, les bras et les jambes tendus de crispation, le danseur Seghers se déplace au hasard, à quatre pattes, et se fait rudement évacuer de la scène par l’un des autres comédiens. Ici aussi, copulation de masse. Mais avec leurs mouvements d’accouplement abstraits et leurs regards vides, les comédiens se rendent à peine compte de ce qu’ils sont en train de faire. L’intention de Barkey était que la somme de ces deux parties si différentes en intensité résulte finalement en un vide absolu. Dans la troisième et dernière partie de ‘Chunking’, l’espace ainsi libéré est rempli complètement à contre-courant. Sur les sons grinçants et caverneux du groupe post-punk d’avant-garde Sonic Youth, les comédiens habillés de costumes d’animaux délirants à la Jeff Koons démolissent, au propre comme au figuré, tout ce qui les entoure. Une souris gigantesque jette en tas les panneaux à fleurs et applaudit ensuite joyeusement de ses petites pattes. Un chien triste regarde la scène, les oreilles basses, tandis qu’un mouton grotesque se risque à tenter une petite danse lascive. C’est ainsi qu’un spectacle joyeusement récalcitrant se termine en farandole punk et anarchiste avec des petits clins d’œil au huitième degré. Délicieusement rafraîchissant.

Needcompany
Performers weNEEDmoreCOMPANY Invisible Time Contact
 
productions
Jan Lauwers Grace Ellen Barkey Maarten Seghers arts de la scène arts visuels Film
 
dates de tournée
Calendrier
 
Publications
Livres Musique Film
 
Bulletin
S'inscrire Archive
NEEDCOMPANY  |  info@needcompany.org  |  Privacy  |  Pro area
This site uses cookies. By continuing to browse the site, you are agreeing to our cookies policy.