Parfois, une chanson fait irruption dans votre vie, et vous vous apercevez par la suite qu’elle ne vous lâche plus. C’est comme tomber amoureux. Cela arrive sans prévenir. D’un seul coup. Sans penser aux conséquences. De façon inattendue. Sans la moindre explication. Sans douleur. Et sans la moindre crainte de faire carrément disparaître le monde pendant un moment. Tomber amoureux d’une musique, c’est aussi en quelque sorte éliminer le reste du monde pendant quelques minutes, le temps de quelques morceaux. Contrairement à ‘l’amour’, les chansons ont cependant l’énorme avantage d’être rarement suivies de la douleur d’une déception. Souvent, les musiques qui sonnent bien initialement peuvent perdre leur signification. Peut-être qu’elles disparaissent pour longtemps (ou pour toujours – mais c’est impossible à dire aujourd’hui, vu que la notion d’‘éternité’ est souvent vide de sens) dans les archives de la collection de disques. Mais au moment où la musique fait irruption, au moment où la musique s’empare entièrement de vous, on devient euphorique et on dit des choses comme : « L’été est sauvé ! » S’il est question d’un coup de cœur aussi total, c’est à cause de la musique que la compagnie de théâtre flamande Needcompany proposera pendant deux bonnes semaines lors de ses représentations dans le cadre du Festival de Salzbourg. Depuis un certain temps, on peut écouter sur internet la musique du spectacle ‘Das Hirschhaus’, qui passe au Pernerinsel à Hallein. Les chansons ont été présentées une à une, au fur et à mesure – comme cela se fait en cette époque de téléchargement instantané. Et, tout juste à temps pour la première, l’ensemble sera disponible sur CD. C’est une musique pop absolument délicieuse qui sort de nulle part. Qui pourrait croire, d’ailleurs, à une époque aussi ennuyeuse que la nôtre, où des épouses de président sans carrure prennent d’assaut les hit-parades et où des chansons ‘pop’ transformées en sonneries de portable polluent le monde, qu’une compagnie de théâtre proposerait une bouée de sauvetage ?! Ces derniers mois, il y avait peu de raisons de s’abandonner corps et âme à l’une ou l’autre chanson pop. Pourtant, les musiciens de Needcompany apportent quelques raisons de croire néanmoins à la puissance de la pop en tant que force poétique et sociopolitique. Les morceaux, qui sont tout en finesse et débordants d’émotion – une émotion qui ne devient jamais envahissante –, regorgent d’un excellent feeling ; les chansons parlent des dernières grandes choses de la vie, la mort et l’amour, le désir et la déception, d’une façon telle que plus rien ne pourra gâcher l’été.