Champignons dements
Pieter T'Jonck - De Morgen (28 mars 2013)

Grace Ellen Barkey repousse encore les frontières de sa propre folie théâtrale. Vous pensiez que Grace Ellen Barkey de Needcompany avait atteint le summum de la folie théâtrale avec This door is too small (for a bear) ? Avec MUSH-ROOM, elle repousse encore les frontières de la folie collective. MUSH-ROOM commence comme un conte de fées : les acteurs se précipitent gaiement sur des objets bizarres sur scène. Qui s’avèrent de gigantesques pliages en papier qui en se déployant deviennent de grands champignons. Des poulies primitives les font s’envoler et les acteurs, qui les tiennent grâce à des cordes, les font danser joyeusement pendant que la fumée fuse de partout. Plus tard, un champignon doré annonce l’apothéose. Pas d’intrigue dans ce spectacle, plutôt une trame du genre ‘True blood’. L’union mondiale des champignons (ça change des vampires) cherche la reconnaissance de l’homme exprimée par le porte-parole Maarten Seghers. Pour l’occasion, les acteurs déguisés sont méconnaissables. Encore davantage que dans Chunking, The Porcelain project ou This door…, des masques bizarroïdes de coton blanc réduisent leur expression humaine à de drôles de bouilles. Les intentions des champignons sont-elles pures ? On en doute face à leur insolence, dans une émission de télé, envers leur hôte Julien Faure. Et celui-ci de les exterminer, dans la foulée, en les mangeant. La mesure est préventive. Mais fatale: le voilà qui se transforme en champignon. Entretemps, de monstrueux vers blancs (ou sont-ce des sirènes ? –un instant, Sung-Im Her nous fait douter). D’autres choses, des plus étranges d’ailleurs, se passent avec des disques peints comme des anneaux d’arbres. L’absurde en enjeu ‘L’histoire’ roule et se déroule, avec des silences singuliers ou des transitions biscornues. C’est la musique des Residents qui porte ce spectacle, avec des accents d’opéra ou de bande son de film, qui fricote allègrement avec l’histoire de ces genres. Parfois, on dirait que les acteurs eux-mêmes se demandent comment faire avancer toute cette histoire, qui semble pouvoir partir tous azimuts (ou nulle part du tout). On distingue bien quelques motifs de critique sociale comme la peur de l’étranger ou la médiatisation des conflits. Mais on voit tout aussi bien des chimères surréalistes sous l’emprise de champignons hallucinogènes. Pourtant, aucune explication ne tient la route. Le spectacle les sabote en beauté. Un seul ‘motif’ semble immuable : qu’un groupe de performers se satisfait d’un enjeu absurde, qui ne recule devant rien, pour rendre concrète l’imagination la plus débridée. MUSH-ROOM rappelle de manière si surprenante la bonne vieille commedia dell’arte. Des figures comme Pantalone ou Pierrot Lunaire et leurs histoires sont des restrictions majeures pour les acteurs, comme les costumes ou la trame délirante de ce spectacle. C’est précisément pour cette raison que la forme paraît si parfaitement adaptée pour libérer une énorme énergie (politique) auprès des acteurs et du public. Comme il n’y avait rien à savoir ni à comprendre, toute l’attention s’est portée sur le jeu. Comment les acteurs s’empoignent, les trucs de jeu imaginaires qu’ils font surgir de leurs drôles de chapeaux blancs. Puis, il y a la façon que les acteurs ont de communiquer, entre eux et avec les spectateurs. Idem. Les grognements et les jérémiades de Benoît Gobs sont impénétrables, et pourtant on comprend tout, même sans les explications de Maarten Seghers adressées aux spectateurs idiots. Quand Yumiko Funaya ou Mohamed Toukabri exécutent des danses fantasques, ils retracent une demi-histoire (scabreuse) de la danse. Ce qui est dit ici n’est pas aussi important que la façon dont cela se fait. Toutes les idées reçues s’estompent. Soudain, tout devient possible. On hallucine sans avoir ingéré un seul champignon. Commedia del funghi, pour sûr.

Needcompany
Performers weNEEDmoreCOMPANY Invisible Time Contact
 
productions
Jan Lauwers Grace Ellen Barkey Maarten Seghers arts de la scène arts visuels Film
 
dates de tournée
Calendrier
 
Publications
Livres Musique Film
 
Bulletin
S'inscrire Archive
NEEDCOMPANY  |  info@needcompany.org  |  Privacy  |  Pro area
This site uses cookies. By continuing to browse the site, you are agreeing to our cookies policy.