L'espoir de Jan Lauwers
Pieter T'Jonk - DE TIJD (30 septembre 2004)

Isabella Morandi, la narratrice dans « La chambre d'Isabella » '“ la nouvelle pièce de Jan Lauwers pour Needcompany '“ est témoin, au cours de sa vie, de nombreuses horreurs. Ça commence par le suicide de sa mère. Et pourtant, elle tient le coup. Un Jan Lauwers inattendu et néanmoins familier, en très grande forme. Comme souvent, Lauwers nous présente une image scénique qui est plutôt un amas d'objets isolés qu'un cadre structuré pour l'action. Ce n'est que dans le regard des comédiens que ces objets morts acquièrent leur magie. Une seule différence : Lauwers n'a pas fait ni choisi lui-même les objets qui figurent dans cette pièce, ils appartiennent à une collection d'objets ethnographiques qu'il a héritée de son père récemment décédé. Il le révèle tout de suite aux spectateurs dans sa brève introduction. Ensuite, comme un dirigeant « d'all-star-jazzband », il présente les comédiens un à un et commente brièvement leur rôle, parfois peu orthodoxe. Que Viviane De Muynck joue Isabella, qu'Anneke Bonnema est sa mère, Benoît Gob, son père, Hans Petter Dahl, son amant ou Maarten Seghers son neveu, tout cela est limpide. Mais que penser de Tijen Lawton en « Sister Bad », alias son hémisphère cérébral droit, intuitif, et de Louise Peterhoff en « Sister Joy », alias son hémisphère cérébral gauche, rationnel et verbeux. Ou encore : Ludde Hagberg, le narrateur, qui inclut d'emblée les parties génitales d'Isabella dans les présentations, ou Julien Faure, à la fois prince du désert, père et amant imaginaires, qui domine la scène sans pour autant prononcer un seul mot ? Encore plus absurde : tous les personnages restent constamment présents sur la scène '“ alors que, tous sauf le personnage principal, ils meurent de façon plus ou moins atroce ou s'enfoncent dans la folie '“ et se mêlent pleinement au récit de la vie d'Isabella. Tantôt ils miment une partie de l'histoire, tantôt ils commentent les événements. Très souvent, ils sont simplement présents pour figurer les personnages clés avec lesquels Isabella continue de s'entretenir mentalement tout au long de sa vie. Mais surtout, ils constituent un chœur polyphonique, qui entonne régulièrement des chants et parfois des cris. Malgré cette logique théâtrale inhabituelle, la pièce fonctionne à merveille et laisse se dessiner un champ sémantique cohérent. Après la mort de sa mère, Isabella a hérité de son père une chambre à Paris remplie d'objets ethnographiques. Ces objets expriment une cruelle domination des hommes sur les femmes, nous explique le chœur. Mais Isabella tient bon au sein de cette présence intimidante. Elle inverse même les rôles. Elle devient une femme qui plonge dans la vie et l'amour sans inhibitions, mais pas de façon aveugle ou idiote pour autant. Elle ne cesse de donner, sans rancune, même lorsque des hommes, comme son amant, Alexander, persistent à la trahir. Même par la suite, lorsque Alexander, rendu fou par la guerre, tombe à sa charge, elle continue de le soutenir. La différence entre eux réside dans l'immense capacité d'Isabella à accepter même l'inacceptable et à ne pas se retourner sur le passé, tandis qu'Alexander, par pure frustration, continue de cracher son fiel sur le monde. Lauwers élabore une seconde fois cet antagonisme entre hommes et femmes dans la douloureuse histoire d'amour entre les parents d'Isabella. Son père a violé sa mère sans que celle-ci ait jamais su que c'était lui. Plus tard, il ramena Isabella en douce à la maison, la faisant passer pour une enfant abandonnée. Mais sa femme ne pouvait pas vivre avec son « secret » et elle se suicida. Pourtant, elle aussi possédait une force particulière : après sa mort, le père ne parvient plus à conserver sa sérénité d'antan, tout en étant encore incapable d'accepter ses remords concernant le passé. C'est dans ce tournant cruel de l'histoire qu'on reconnaît le fond noir de l'œuvre de Jan Lauwers. Mais grâce à la vitalité de ce fantastique travail d'ensemble de la troupe, c'est au bout du compte une légèreté inattendue et même un brin d'espoir qui dominent.

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