Ricky and Ronny and Hundred Stars - a Sado Country Opera
Kjell Dupon - goddeau.com (24 mars 2010)

Combien faut-il de chanteurs de country pour remplacer une ampoule ? Deux : un pour visser la nouvelle ampoule, et un autre pour chanter une chanson sur la mort de l’ancienne. Cette blague très populaire en Norvège saisit à merveille le sentimentalisme outrancier de la country. Voilà pourquoi MaisonDahlBonnema y introduit, avec une grande efficacité, l’élément sadomasochiste. Pour le reste, cet opéra entièrement chanté n’a pas grand-chose à voir avec la country. Celle-ci sert plutôt de métaphore pour l’impression sentimentale de vide à laquelle renvoie tout le spectacle, tant par la forme que sur le fond. Là où le spectacle country de Johan Heldenbergh, The Broken Circle Breakdown, étale le sentimentalisme dans les grandes largeurs – raison pour laquelle il a sans doute récolté un tel succès – Anneke Bonnema et Hans Petter Dahl prennent, avec leurs alter egos Ricky et Ronny, une piste radicalement différente. Les sentiments humains de Ricky et Ronny se dissolvent complètement dans leur abandon aux extrémités de la douleur physique et du plaisir extatique. Ce Sado Country Opera est le deuxième volet d’une trilogie. La première partie était un opéra pop qui chantait déjà la perte de la liberté des années 60. Dans la seconde livraison, nos héros se retrouvent en compagnie de la vamp Hundred Stars, tout de latex noir vêtue et chaude comme la braise, jouée par la Suédoise Louise Peterhoff. Au début, ils planent sur un nuage au-dessus de Paris, tout en chantant sur une musique éthérée, pour atterrir finalement dans un parc. Le trio se retrouvera encore souvent dans les nuages, tant physiquement que dans la tête. Dans le parc, ils vivent de folles nuits pleines de sexe, de drogues et de violence. Les substances psychédéliques les font rouler d’un espace dans l’autre, ce qui résulte en un ensemble confus plein de bonds spatiaux et temporels. C’est cette même confusion que ressentent les personnages, et c’est ce qui nous entraîne dans une amusante visite guidée de leur univers. Du parc, ils se font catapulter dans les étoiles, où Ricky se fait avaler par un gros poisson. Mais il semblerait qu’il y a autre chose que les drogues psychédéliques. Ricky et Ronny sont des humains en errance, qui ont complètement perdu le sens du centre. Ricky se qualifie elle-même de machine sans âme. Tout respect pour les sentiments ou la morale s’efface devant les lois de la nature sauvage. Le parc où ils campent se met à reconquérir de sa végétation un Paris abandonné. Si on pouvait encore détecter chez Ricky et Ronny un reste d’humanité, celle-ci a complètement disparu chez Hundred Stars. Elle semble s’ériger en guide du couple à travers ce paysage aride. Pour Hans Petter Dahl, son personnage est basé sur l’homme amoral de Nietzsche. Cet opéra sado country montre où peut mener une telle débauche. Dans le cas de Ricky et Ronny, elle mène au vide absolu. Pas simplement un vide spirituel, chante Ricky, mais un vide véritable, où tout est égal à son contraire. Elle en a assez de toutes les théories, et se laisse complètement partir dans le trou noir. A la fin, on voit encore, comme en vision, une projection animée dans laquelle Ricky et Hundred Stars dévorent Ronny et plongent ensuite dans l’étang, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un écran noir avec quelques bulles, écho lointain du ciel étoilé. C’est un vide qu’ils arrivent à transmettre au spectateur par le biais de leur mise en scène, de leur chorégraphie et surtout de la musique. La scène est habillée très simplement de cinq îlots blancs qui font penser successivement à un nuage, un lit et une pierre tombale. C’est sur ces îlots que se déploie une chorégraphie qui consiste à peu de choses près à séduire, voleter et niquer sans gêne, mais de façon stylisée. La bande son électronique de Hans Petter Dahl plane au-dessus de tout ça de façon très égale, sans paroxysme ni relâche. Les rythmes sont monotones et généralement accompagnés par des synthés à cordes planants, des basses profondes et des pincements de guitare qui vous vident lentement de votre substance. Ce vide vous laisse dans une quiétude remarquable. Mais si l’esprit de Nietzsche habite réellement cette pièce, comme le laissait entendre Dahl lors de l’interview après le spectacle, ce vide ne peut pas être final. Nietzsche avait beau être le philosophe au marteau qui massacrait toutes les vérités admises, et qui fit lui-même plusieurs fois au cours de sa vie l’expérience du trou noir, il était aussi le philosophe qui se relevait à chaque fois et qui remplissait à nouveau le vide avec un message pour l’humanité. Espérons que c’est ce que nous verrons dans le volet final de la trilogie de Ricky et Ronny.

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