Le silence est d'or
Liv Laveyne - DE MORGEN (25 avril 2003)

Jan Lauwers ne donne "no comment". Les mots nous manquent. L'image peut être criante dans certaines situations extrêmes qui nous laissent sans voix. Le programme télévisé No Comment sur Euronews a diffusé des images de la guerre en Irak dépourvues de commentaires. Les images sont-elles plus ou justement moins parlantes? C'est une question qui préoccupe également le metteur en scène de la Needcompany, Jan Lauwers. La première de sa dernière création, intitulée No Comment, avait lieu hier au Kaaitheater. Josse De Pauw, Charles Mee et Lauwers lui-même ont écrit un monologue pour respectivement Grace Ellen Barkey (De Theedrinkster - La buveuse de thé), Carlotta Sagna (Salomé) et Viviane De Muynck (Ulrike). Six compositeurs ont créé la musique pour le solo de danse de Tijen Lawton. L'affiche est composée des photos des quatre muses de Lauwers, sans commentaire. "Le fait d'expliquer une image présente toujours le risque de démystifier celle-ci", estime Lauwers. Et d'accorder malgré tout une interview. Pas de commentaire? Jan Lauwers: "Je ne souhaite exprimer aucune opinion dans mon travail cette année. Il est aujourd'hui pratiquement impossible de trouver encore quelqu'un sans opinion. Cette absence d'opinion n'est plus acceptée. Elle est pourtant synonyme de libération. Car finalement, exprimer une opinion, c'est chercher délibérément une opposition. Prenons la guerre en Irak: les pacifistes contre les patriotes, c'est un combat simplifié, une opinion pour l'opinion". Si ce n'est pas une opinion. "J'intitule cette représentation 'No Comment' parce que je veux simplement faire ce que je veux faire. Dans les arts de la scène, il y a une tendance au conceptualisme; certains jettent ainsi le bébé avec l'eau du bain. Confondre le moyen et l'objectif est une erreur. Un corps est bien sûr une donnée rationnelle mais il est également sensuel. La scission artificielle de cette dualité conduit à un fondamentalisme que j'abhorre. Les deux facettes doivent être présentes de façon naturelle. Les quatre solos dans No Comment se succèdent suivant une ligne dramatique: je commence par la décomposition de l'image et je termine par une pensée". Les trois monologues pour trois femmes ont été écrits par trois hommes. Aviez-vous convenu de qui écrirait pour qui? "Le personnage de la buveuse de thé a immédiatement plu à Josse De Pauw car il est lui-même marié à une Japonaise et il s'est personnellement identifié à cette double culture. Grace Ellen Barkey, qui joue la buveuse de thé, est elle-même originaire d'Indonésie. Je ne connaissais pas personnellement l'auteur américain Charles Mee. Il avait vu Morning Song à New York (où Lauwers a remporté en 1999 un Obie Award, LiLa) et a proposé lui-même sa collaboration par courrier électronique. Il a fait une adaptation de Salomé pour Carlotta Sagna parce qu'elle avait joué ce rôle dans Le Désir (de la Snakesong Trilogy, LiLa). J'ai moi-même écrit Ulrike pour Viviane De Muynck". Vous choisissez dans vos oeuvres toujours une certaine abstraction. L'anecdote détourne-t-elle de ce qui est vraiment important? "Je pars à la recherche d'une forme d'universalité. L'anecdote ne peut jamais être un objectif. Accorder à l'anecdotique la valeur d'une représentation réaliste ou du naturalisme est inacceptable car cela n'a rien à voir avec l'essence du théâtre. Par contre, une image n'est une image que quand elle reste suspendue dans l'imagination, comme souvenir". Vous dites de vous-même: "Je ne mets pas en scène, je crée des images". Le programme télévisé No Comment peut également être considéré comme une critique de l'image gratuite. Faites-vous référence à un questionnement personnel? "Mon travail repose sur deux fondements. Il y a l'image et il y a la donnée théâtrale d'une personne sur la scène. Cette dernière ne peut faire l'objet d'un sampling ou d'une numérisation. Je ne critique pas l'image, je veux analyser ce qu'elle signifie. Le théâtre, l'image, l'art: ce ne sont pas des concepts univoques. Il y a des acteurs qui affirment être des artistes, d'autres se qualifient 'seulement' de médium. L'art remet justement cette virtuosité en question. Mon théâtre a été qualifié de théâtre plastique. Je dois avouer que je ne comprends pas ce qu'ils entendent par là. Peut-être la base de comparaison est-elle déjà fausse pour commencer: ils comparent encore mon travail au théâtre de répertoire. Alors que nous sommes d'accord depuis longtemps que le théâtre est plus que cela. Dans le nouveau théâtre de répertoire, la scission entre l'auteur et le metteur en scène est moins stricte. L'artiste devient un et plus que jamais, le théâtre, si éphémère, n'existe que pour un moment".

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