Needcompany joue la mort de Dirk Roofthooft
Tuur Devens - Theatermaggezien (22 septembre 2011)

Needcompany célèbre ses 25 ans avec une fête théâtrale et une réflexion sur ce que la compagnie a fait depuis le début : l'art. Mais qu'est-ce que l'art ? L'icône de l'art du 21e siècle, sera-t-elle l'urinoir de Duchamp ou Mickey Mouse, de la main de Walt Disney ? Toutes des questions qui tourmentent Jan Lauwers. De ces véritables batailles internes et réflexions entrelacées est née une pièce délicieusement effervescente. Avec « L’art du divertissement» ou « The art of entertainment », Needcompany dénonce - comme attendu - l'industrie du divertissement, et surtout celle du secteur télévisé. Elle le fait de façon amusante et loufoque, en slapstick, avec des jeux de mots et de langue, des perruques, des danseurs qui trébuchent et d'autres clichés issus des variétés, tout en soulevant au-delà des apparences des questions pressantes : en quelle mesure le divertissement dévie-t-il notre attention de ce qui se passe dans le monde, en quelle mesure l'art est-il divertissement et quand le divertissement peut-il devenir art ? Vivons-nous actuellement dans un monde où nous nous divertissons à mort ? Le Meilleur des Mondes de Huxley est-il devenu réalité ? Ou pire encore : le processus où tout s'aplanit est-il presque parfait ? À partir d'un décor muni d'un (petit) escalier et de lettres clignotantes, la présentatrice Liliane (Viviane avec perruque) De Muynck annonce son programme : l'unique show de suicide de la planète. Ce soir, nous allons vivre en direct (qu'est-ce que le direct dans ce format ?) le suicide de l'illustrissime acteur Dirk Roofthooft, en espérant toucher plus de spectateurs encore, l'objectif étant d'en atteindre 110 millions. Les collaborateurs de son show apparaissent un à un : le médecin Dr Joy, le cuisinier M. Duchamp, une personne pour la plonge, la danseuse Yoko, qui sera le morceau de viande à déguster, et Gena, l'amour de Roofthooft. Ils trébuchent dans l'escalier, tout comme maintes autres choses, qui tombent elles aussi par terre et volent sur scène. Et n'oublions pas la caméra manipulée par une danseuse, qui se plie de tous les côtés et focalise sur des détails inattendus. Dirk Roofthooft savourera un exquis repas du condamné, il sera interviewé sur l'art, le sexe, la politique, le métier d'acteur, il jouera même une pièce, présentera sa poésie préférée et écoutera pour la dernière fois son morceau de musique préféré, Stabat Mater de Pergolesi. Vu que sa mémoire, le principal outil d'un acteur, commence à lui faire défaut, il ne pourra plus jamais jouer comme il sied. Voilà pourquoi il veut en finir. Et qu'y a-t-il de plus beau et de plus théâtral pour un acteur que de mourir, le harnais enfilé, sur la scène ? Les personnages passent d'une langue à une autre, passent du coq à l'âne, formulent des remarques accessoires, des commentaires, ils dansent, d'abord de façon joliment synchronisée comme le demandent les shows, mais tombent, glissent et dérapent en emportant poêles et plats, le tout en faisant un vaste vacarme. Un délicieux chaos, où le spectateur se demande si tout est un hasard et improvisé, et se passe « réellement ». Cependant, l'on se détrompe bien vite : les scènes se succèdent selon un timing on ne peut plus minutieux. Les acteurs jouent un jeu où la réalité dramatique et la réalité en soi sont mêlées, comme dans la télé-réalité. Des affirmations bien réfléchies sur l'art et sur l'art d'être acteur sont formulées pour être balayées d'un trait par une remarque banale ou une fadaise. Le spectateur savoure le jeu de Viviane De Muynck et de Dirk Roofthooft, les plus grands acteurs flamands, de Grace Ellen Barkey comme Gena et des autres acteurs dans leur danse et dynamisme virtuose. Le rire, tantôt amer, tantôt gracieux, tantôt peu convaincant, parsème la représentation. Et après la représentation, l'on sent que la critique que l'on a sur la télé-réalité sous toutes ses formes est confirmée. Mais cela sert-il à quelque chose ? Cela fait quelques temps que nous nous amusons à mort. L'on ne peut qu'espérer qu'un jour, quelqu'un ira à contre-courant, ou, pour employer des mots datant d'il y a un demi-siècle, que quelqu'un lancera une contre-culture. Le théâtre est un lieu où ce courant peut faire ravage. Comme Needcompany le prouve brillamment.

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