Impitoyable divertissement
IOLANDA G. MADARIAGA - El Mundo (24 mai 2011)

Jan Lauwers le versatile et l’inclassable est revenu au Teatre Lliure avec un spectacle qui se démarque de ses précédentes trilogies qui gravitaient sur les préoccupations de l’auteur. Et pourtant, ce spectacle de Lauwers, monté avec son inséparable troupe – la Needcompany – a toutes les caractéristiques qui ont valu à Lauwers sa réputation sur la scène internationale. Son créateur conçoit toujours le spectacle comme une œuvre en cours, un exercice-performance où l’action immédiate prime sur le résultat. Entièrement dévouée à la multiplicité des langages scéniques, son œuvre reste une fusion de danse, de théâtre, d’art visuel et vidéo. Les créatures scéniques de Lauwers ne sont plus des personnages, elles deviennent les acteurs qu’elles sont, en quête de l’effet aliénant qui est le leur, avant de retrouver leur condition de personnages dans une fiction théâtrale. Toutefois, Lauwers a quitté le cadre du drame pour pénétrer la comédie noire. On pourrait parler de tragicomédie grotesque, si le medium où elle se déroule n’était pas si étranger au genre. L’art du divertissement se déploie sur un plateau télévisé, au beau milieu d’un show de téléréalité où viennent ceux qui veulent mettre un terme à leur vie. Ingrédient clé de ce show, un fameux chef français prépare le dernier repas du suicidé. L’hôtesse du show est la réputée Liliane Van Muynck/Viviane De Muynck, une actrice d’âge mûr au bord du déclin. L’invité de ce show auquel nous assistons est Saul J. Waner/ Dirk Roofthooft, un acteur qui perd la mémoire et décide de mettre un terme à sa vie, s’offrant lui-même en spectacle. Ce faisant, Waner donnera un sens à toute sa vie, en célébrant cet acte final avec un public. Sur scène, il est accompagné du docteur qui lui remettra un cocktail fatal d’injections, et de son amante et compagne, Gena/Grace Ellen Barkey. Dit comme ça, le spectacle n’a rien d’amusant, mais dès le début, le spectateur est entraîné dans un univers d’humour scénique, de blagues faciles et écœurantes, de boutades de mauvais goût, de digressions et de situations absurdes qui en font une représentation sarcastique de ce genre télévisé. Lauwers soulève une question à propos des motivations ultimes d’un artiste, au-delà de l’ironie avec laquelle il dépeint la téléréalité. Les personnages parlent de la profession d’un acteur, de politique, de sexe et aussi d’art, certains d’entre eux errent à la dérive, consumés par les médias eux-mêmes… Dès que pointe le silence, il doit être immédiatement remplacé par du bruit. Jan Lauwers et sa prodigieuse Needcompany créent une absurdité dénuée d’émotion, dur dur d’être ému même si le spectateur est frappé de plein fouet, avec une tarte alors.

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