L'art du divertissement
Els Van Steenberghe - Knack (20 septembre 2011)

« We go on and on and on and on… » Ce refrain signifia la fin d'Isabella’s Room (2002). Cette pièce est le premier volet d'une trilogie dans laquelle Jan Lauwers - metteur en scène de théâtre, artiste plasticien et directeur artistique de la compagnie bruxelloise Needcompany - part à la recherche du bonheur, en dépit des contretemps qui touchent toute vie. Isabella’s Room a vu le jour suite au décès du père de Lauwers. La pièce finale de la trilogie, Het Hertenhuis (2009), plonge ses racines dans la terrible nouvelle annoncée à une des danseuses. Son frère, photographe de guerre, s'était retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, et y avait laissé la vie. Après l'impressionnante trilogie Sad Face / Happy Face, Lauwers a planché sur une nouvelle œuvre. Le résultat : The Art of Entertainment, L'art du divertissement. Cette création annonça également le début d'une année festive : Needcompany célèbre ses 25 années d'existence. [...] SHOW TÉLÉVISÉ FAUSSÉ ET RÉGIE RUSÉE Au début, Roofthooft, hésitant, peine à nous convaincre de son aversion de la vie et de la scène. Comme s'il n'y croit pas lui-même. Il lui faut du temps pour trouver son rôle à côté de Viviane De Muynck (alias Liliane), toute imposante et faisant montre d'une hilarité subtile. Interprétant Gena, la maîtresse de Waner, Grace Ellen Barkey a elle aussi besoin de quelque temps pour s'échauffer. Tout comme Roofthooft, elle semble endosser son rôle sans véritable conviction. Il en va de même avec les danseurs (dont les virtuoses Misha Downey et Julien Faure), qui peinent à bien s'intégrer sur scène. Délassés, ils culbutent et trébuchent sur la scène, le plateau télévisé bigarré et « bling-bling » du show. Ils folâtrent avec le « morceau japonais » (la danseuse Yumiko Funaya), que Roofthooft dévorera comme dernier repas. Même la caméraman Elisabeth (la sensuelle Eléonore Valère) prend les visages et autres parties du corps des autres acteurs en gros plan aux mauvais moments. « Mais que se passe-t-il ici, nom de dieu ? » nous demandions-nous pendant la représentation. « Lauwers, aurait-il perdu son doigté ? Pourquoi coupe-t-il court à chaque scène, au lieu de la laisser se développer ? Même Roofthooft est coincé dans un carcan quand il cale au milieu d'un monologue sur l'art de faire du théâtre, ou du moins, d'un bourgeon de monologue qui laisse espérer mieux. Il casse chaque danse qui emporte le public, pour la faire dénaturer dans une farce. Cela n'est quand même pas le but ? Ou me trompe-je ? » Tout d'un coup, nous avons compris. Il s'agit bel et bien de l'intention rusée de Lauwers. Il sait contenir de façon courageuse et magistrale son talent de transformer l'art plastique, la danse, la parole, le chant et la musique en un enchevêtrement narratif et émotionnel qui époustoufle. Pourquoi? Dans L’art du divertissement, il dénonce tout court l'éternel désir lubrique qu'ont les médias et acteurs de sexe, spectacle et « authenticité » gonflée. Comment mieux faire que de disloquer le mécanisme de divertissement sur sa scène ? Cela demande du culot. Voilà où réside toute l'affirmation de Lauwers : le théâtre manque de culot pour contrer la soif de divertissement, de tableaux voyeuristes et de spectacle aveugle. L'art est divertissement, affirme Lauwers, à condition que cet art repose sur la nécessité et le respect de l'homme et de la société. L'art est divertissement et diversion : il permet de décontracter et de changer l'idée que l'on a de la vie. Partant : De kunst der vermakelijkheid, soit, en français, l'art du divertissement et de la diversion. Le théâtre est un blanc-seing pour la réflexion. Il est un intermédiaire lent que nous devons prendre beaucoup plus au sérieux. Depuis dix ans, je me suis converti en un vif partisan du théâtre. Le théâtre nous permettra-t-il peut-être de redécouvrir la fonction de l'art ? C'est pourquoi Lauwers a opté pour des scènes un peu boiteuses, pour une restriction des émotions et pour une chorégraphie titubante. En bref, il a rayé la tendre beauté exaltée de son langage pour plaider sa nécessité. Ainsi, L’art du divertissement incite tout d'abord à la réflexion sur les mécanismes du divertissement. Lauwers convainc en tant que critique de l'industrie du divertissement dénuée de tout sens, du manque de nécessité parmi les metteurs en scène de théâtre et de l'abus de la beauté. [...] L’art du divertissement démontre que le théâtre est à la fois art et divertissement, et qu'il a besoin d’une beauté intègre et composée ingénieusement, créée exactement en étant économe avec les images impressionnantes et les paroles du genre.

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