Caligula
© Needcompany

Une production du Burgtheater en collaboration avec Needcompany.

Texte
Albert Camus
Régie
Jan Lauwers
Avec
Anneke Bonnema, Hans Petter Dahl, Nicolas Field, Maria Happel, André Meyer, Cornelius Obonya, Falk Rockstroh, Herman Scheidleder

Première
Le 17 mai 2012 au Kasino, Vienne

De quoi me sert ce pouvoir si étonnant, si je ne puis changer l'ordre des choses, si je ne puis faire que le soleil se couche à l'est, que la souffrance décroisse et que les êtres ne meurent plus ?
- Caligula dans Caligula d'Albert Camus


The Dark Side of the Moon

Un entretien avec Jan Lauwers, par Florian Hirsch.


Albert Camus a écrit “Caligula” pendant la deuxième guerre mondiale, dans un contexte quasi apocalyptique. En quoi cette pièce est-elle encore pertinente aujourd’hui?

Il existe deux versions de cette pièce. La version que nous jouons – la deuxième version – a effectivement été écrite pendant la guerre. Il est intéressant de noter que c’est en se fondant sur ses expériences vécues pendant la guerre que Camus a modifié sa démarche. Il a rendu Caligula plus radical. La première version de 1938 est clairement plus psychologisante. C’est plutôt singulier pour un philosophe de changer de perspective quand il est confronté à une guerre, puisque, au bout du compte, les guerres ont toujours existé. Mais se retrouver en plein dedans peut apparemment transformer du tout au tout la conception qu’on a de l’homme. Ce fut le cas pour Adorno, Benjamin et quantité d’autres philosophes. On développe alors des pensées selon lesquelles il est désormais impossible de créer de l’art. Et en quoi cette pièce est-elle encore actuelle? C’est très simple: depuis la deuxième guerre mondiale, plus de 850 guerres ont eu lieu sur notre planète. Ce dont à peu près personne n’est conscient. Un jour, j’ai fait une performance dans laquelle chacune de ces guerres étaient nommées. La deuxième guerre mondiale était si monstrueusement inimaginable qu’après, tout le monde a dit: cela ne peut plus se reproduire – avec pour résultat, 850 autres guerres. Les guerres font partie de notre civilisation, elles relèvent du comportement humain. Je pense qu’un texte sur un dictateur est extrêmement pertinent aujourd’hui quand on songe à ce qui se passe dans le monde. La lutte contre le terrorisme, le fondamentalisme, la crise financière… J’ai l’impression que tout un tas de choses a profondément changé ces dernières années. Depuis le jour de l’effondrement des Twin Towers à New York, en passant par la crise financière de 2008, jusqu’aux révolutions en Afrique… Chacun, d’une façon ou d’une autre, ressent un malaise. Et dans ces situations de malaise, les gens ont tendance à s’en remettre à un dictateur. Je ne serais pas surpris par exemple qu’un dictateur arrive demain au pouvoir en Grèce. Nous sommes donc dans une situation dont il est urgent de parler.

La deuxième raison pour laquelle “Caligula” n’a absolument rien perdu de son actualité aujourd’hui est encore plus simple: c’est un texte fantastique. Je veux dire que le rôle de Caligula est un cadeau pour un acteur. Je suis ravi de pouvoir monter cette pièce avec Cornelius Obonya, parce que tous deux, nous poussons très loin l’analyse du comportement de cet homme et nous suivons les connexions avec la philosophie de l’absurde de Camus.


Les gens meurent et ne sont pas heureux.

Oui, et comment vivre avec ça? C’est une question extrêmement actuelle: politique, culturelle et religieuse. Une question qui éveille l’aspiration à des religions fortes, à des dictatures. Savez-vous quel est l’élément le plus impressionnant de ce texte situé dans l’Empire romain? On dirait que ces personnages parlent de notre société contemporaine. L’inceste, la violence, la corruption politique et j’en passe – tout ce que fait Caligula nous est familier. On sait que ces choses se passent. Le message politique pourrait donc prôner: Be aware. Soyez-en conscients. “Caligula” est probablement la pièce la plus politique que j’ai mise en scène ces 25 dernières années.


Camus lui-même a décrit l’avènement et le déclin de Caligula comme “un suicide supérieur”. Que faites-vous de ça?

C’est peut-être bien le but de Caligula. Mais on peut aussi voir dans ce récit une illustration de l’impossibilité d’un suicide supérieure. En tout cas, les dernières paroles de Caligula sont: “Je suis encore vivant.” Il m’est difficile de décrypter la charge philosophique que Camus a voulu exprimer dans cette déclaration. Je pense qu’il vaut mieux y voir une métaphore. Qui porte davantage sur l’humanité en tant que tout plutôt que sur une destinée individuelle. Vous ne croyez pas?


Si, car à la fin, Caligula comprend que la liberté sans limite et barbare à laquelle il aspire n’est tout simplement pas viable. C’est une liberté fallacieuse. Parce que l’on ne peut être libre au détriment du reste du monde et parce que la vie sans les autres est impossible.

A mon sens, c’est ça effectivement la clé de cette pièce. La liberté sans responsabilité sociale est une pure horreur. Plus la liberté est grande, plus la responsabilité est grande. Je crois en la liberté artistique absolue. Mais conjointement à cette liberté, la responsabilité croît. Plus on s’élève sur l’échelle sociale, plus cela devient dangereux. Le pouvoir corrompt. Toujours. Il libère quelque chose à quoi on ne peut se soustraire. On ne peut reprocher à Caligula ses crimes, tout comme on ne peut rien reprocher à Dominique Strauss-Kahn. A partir d’un degré donné, le pouvoir absolu conduit à des appréciations absolument fausses et à l’illusion. Ces hommes ne conçoivent même pas à quel point ils abusent de leur pouvoir, des autres gens. Le pouvoir a corrompu leur jugement. L’être humain ne peut vivre avec le pouvoir. Et je ne parle pas que de Napoléon, mais des choses les plus banales. Le pouvoir est extrêmement présent dans chaque situation concevable, à tous les échelons de la société humaine.


Ne vous arrive-t-il pas, en tant qu’artiste, d’aspirer à posséder la lune? De tendre vers l’impossible?

Si, et je le dois. Je suis un artiste, mais je suis aussi un être social. En tant qu’être social, je n’ai pas besoin de posséder la lune. En tant qu’artiste, je dois m’efforcer de la conquérir. Je dois créer l’impossible. Plus d’un dictateur était simultanément, ou initialement, également artiste: Néron par exemple, ou même Hitler. Mais quand on combine l’aspiration de l’artiste pour l’impossible et la politique, le résultat est toujours une catastrophe. Mais un artiste doit toujours avoir pour but de posséder la lune.


Vous êtes Artist in Residence – d’accord, pas sur la lune, mais bien au Burgtheater – et pourtant vous venez d’une tradition théâtrale complètement différente, celle du Performance Art. Comment décririez-vous votre travail au Burgtheater?

Le système du “Burgtheater” est très stable et solide. Il repose sur la reproduction. Les acteurs doivent reproduire le même spectacle encore et encore, et ils y parviennent, grâce à leurs excellentes compétences. Face à cela, on a la production. C’est le Performance Art. Quelque chose qu’on ne peut pas reproduire. Le théâtre c’est de la reproduction. La performance c’est de la production. J’essaye d’associer mes expériences du Performance Art au système de la reproduction, pour créer ainsi un lien avec le théâtre. Pour moi, les meilleurs moments de “Caligula”, ce sont clairement ceux où l’on a le sentiment que tout est improvisé. Ce sont les moments où les acteurs se sentent tellement libres qu’on pense qu’ils élaborent tout spontanément sur scène. C’est là qu’on voit s’exprimer un énorme désir de liberté. Le quatrième mur tombe, on instaure un contact direct avec le public.


On a l’impression que vous déplacez souvent le centre de l’attention sur scène. Plusieurs actions ont lieu en même temps.

Au fil des années, j’ai développé un procédé que j’ai baptisé la stratégie “off-center”. C’est très simple: dans une mise en scène conventionnelle, le centre est identique au focus. “Off-center” signifie: aucun focus. Donc, quand il y a un centre, et une zone en-dehors de ce centre, et qu’on les traite de façon équivalente en instaurant un nouvel équilibre entre les deux, le “off-center” devient d’un coup tout aussi important que le centre – et le public décide lui-même s’il veut suivre en même temps deux, trois, quatre ou même cinq centres. Cela permet des associations à des niveaux complètements nouveaux. Dans “Caligula”, un personnage qui n’est pas présent chez Camus entre en jeu: Octavia, jouée par Anneke Bonnema de Needcompany. Elle est l’“off-center” et, à sa façon, elle raconte toute l’histoire, quasiment sans texte. Pour moi, c’est toujours l’énergie qui prime. L’art est énergie. L’art est liberté. Et l’art est communication. Et j’espère que nous parviendrons à conjuguer ces trois éléments dans ce magnifique espace du Kasino sur la Schwarzenbergplatz.

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Une production du Burgtheater en collaboration avec Needcompany.

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