Un cœur rouge sang dans une âme verte comme la mer
Guido Lauwaert - Focus (23 mai 2014)

Chaque oiseau chante selon son bec. Maarten Seghers a un grand bec et il chante sa chanson avec la puissance de mille moineaux. Même s’il a un panneau devant la tête. Comment s’en débarrasser ? En montrant l’exemple. Voilà en substance l’idée que véhicule la nouvelle production de Needcompany, What do you mean What do you mean And other pleasantries ( * * * * ).

Chacun a un panneau devant la figure. C’est le fait de la société, avec ses vilaines manies. Personne n’y échappe. Chaque être humain doit se débarrasser de son panneau grâce à son esprit, mais tout autant grâce à son instinct. Maarten Seghers montre comment il y est parvenu. Et dans la foulée, il donne des tuyaux qui permettent à chacun d’en faire autant. En jouant un tour aux vilaines manies. En les exploitant. En les détournant. C’est le droit, voire le devoir de chaque humain de se libérer de cette existence de Sisyphe. Tout est possible, du moment qu’on le veut.

Que l’on soit malin ou bête, là n’est pas la question. Chacun doit faire en sorte que sa vie lui appartienne. Certes, il faut une bonne dose de courage. Mais ceux qui persévèrent avec entêtement y parviennent. Il le démontre avec de petits moyens. Lentement mais sûrement, il se débarrasse de ce panneau, mais il continue à le traîner, entre ses jambes, jusqu’à atteindre également, après la libération mentale, la libération corporelle. Enfin il peut se mouvoir librement dans la société. Une fois arrivé à ce stade, il peut travailler son habitat. Dire : Le bonheur ne se reçoit pas en cadeau, il faut le chercher par soi-même.

Cela, Maarten Seghers le fait en transformant ce processus d’évolution en un jeu sonore. En effet, le monde est un spectacle musical. Même le silence est musique. Il utilise six caisses en guise de plancher, en guise de caisses de résonnance, pour transformer le concert en images. Des câbles glissent d’une caisse lorsqu’il se met à la traîner. Comme des entrailles qui tombent d’un ventre qu’on inciserait. Il les ramasse et les pose sur la caisse dressée. Hé, c’est une crinière hirsute ! Le performer lui confère des sentiments en l’amenant à parler, puis à chanter. Comme chantent les Noirs. Ca ne vient pas d’une partition, mais droit des tripes.

D’autres caisses y passent à leur tour. L’une après l’autre, elles prennent vie, sans perdre leur spécificité. Elles parviennent à chercher un équilibre, à créer une entente, à rassembler les éléments qui ensemble composent l’amour. Pendant ce processus de construction, le performer s’adresse au public. Ce dont elles sont capables, ces caisses, symboles des humains sclérosés, vous aussi, vous devez y arriver. Et si vous y êtes déjà, alors mon numéro vous confirme, vous spectateur, que vous êtes sur la bonne voie, que vous avez raison, que vous devez tenir bon, continuer, jour après jour. Défaites-vous de l’idée que ce rocher qui roule en bas de la montagne et qui doit être ramené au sommet est un poids, et voyez plutôt cette corvée comme un délice.

Maarten Seghers le dit, tantôt onctueusement, tantôt en hurlant :

I feel you. I feel it. I feel feelings. Feel it with me. C’mon! Feel it! I want to make you feel something. Can you feel it.

Son hymne a beau être en anglais, l’abondance de monosyllabes le rend intelligible dans le monde entier. Soutenu par ses mimiques, son langage corporel. Sa puissance et sa présence scénique. L’ensemble d’un cœur rouge sang dans une âme verte comme la mer.

Au fil du spectacle m’est revenue une chanson de ma jeunesse, qui parle d’un fou rempli de tristesse, parce que sa folie est considérée comme une maladie mentale. Maarten Seghers parvient avec brio à dessaler les larmes du clown. ‘The fool on the hill’ ne voit plus ‘day after day’ le soleil se coucher. ‘The man of a thousand voices’ a trouvé le ton juste. ‘Oh, round, round, round, round, round, / oh… ‘

La production a connu sa première au festival FIDENA à Bochum, mais elle entame au début de la saison prochaine un ‘Magical Mystery Tour’ qui passera notamment par la Belgique, et qui s’arrêtera entre autres aux Kaaistudios à Bruxelles. Ne manquez pas cette fête des sentiments. Un spectacle émouvant, qui fait chaud au cœur.

 

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