O : un exutoire lyrique, rythmique et incantatoire de Maarten Seghers
Julie Cadilhac - http://www.lagrandeparade.fr (18 novembre 2016)

Plutôt que de vous tenir le crachoir, on serait tenté de vous renvoyer simplement à la lecture du superbe texte de Jan Lauwers, " Cinq Don Quichotte en rang d'oignons", qui exprime avec autant de justesse sensible que de pertinence dramaturgique la substantifique moëlle de ce spectacle iconoclaste. Ce "O" de Maarten Seghers est une performance véritablement étonnante, tout à la fois intense, drôle, nostalgique, déjanté et porteuse d'un message mystérieusement limpide. Ou le contraire.

Un violoncelle échevelé à s'en défriser les cordes, un défouloir étourdissant sur ressorts, des montagnes-tapis qui dépriment et chantent "Oh so sad", une aube à la campagne avec vache ruminante perturbée, un derviche-tourneur sens dessus dessous, la cloche du troupeau en collier, le chant mélancolique du violoncelle qui revient chanter sa complainte...cette pièce a des côtés hallucinatoires et il faut d'abord apprendre à lâcher-prise pour aborder cette proposition théâtrale atypique. A l'ouverture, les riffs frottés d'un instrument à cordes qui appelent à lui le reste de la formation musicale. C'est un haka du beat qui s'improvise ensuite ; chaque membre de cette équipée sonore martelant le rythme avec une manière organique et une expressivité très différente : cinq escargots survoltés aux coquilles de tambours pour une danse de la pluie. Une incantation primitive pour retrouver le sens dans un monde qui l'a perdu. Un pied sur la pédale, 3,2,1 partez! Ce qui est sûr, c'est que tous, du pseudo Elton John à l'écharpe rose au danseur tonique à la plastique harmonieuse, du beatnik au costume-tapisserie à l'illuminé christique ou encore au précieux ridicule, donnent envie de se lever et de danser avec eux! La musique retrouve son sens primitif, cérémonial...Elle symbolise l'envie de concevoir quelque chose ensemble, la possibilité d'exprimer physiquement ses émotions, véritable catharsis salvatrice. Là, rien n'est sérieux, tout est sérieux. Le païen flirte avec le sacré, la solitude avec le rassemblement, le sensé avec l'absurde. Au milieu des quatre autres performers qui s'agitent dans la toile mouvante d'un quotidien transcendé par le prolongement des élans qu'on a l'usage de contenir ( par convention sociale, bienséance normative, pudeur mal placée...), Maarten Seghers conserve un détachement naturel déroutant. Imperturbable, il fait résonance et figure de diapason.

Si cette performance se nourrit d'un Spleen ruminé et d'un Idéal aux suspensions limitées par la pesanteur terrestre, le violoncelle pousse sa sonate nostalgique et les tapis pleurent, ce qui est attrayant dans "O", c'est que l'on y perçoit très fort tout de même un message lumineux : chacun de nous a encore quelque chose à dire. "O", c'est une sorte de parabole du encore possible, un pied de nez au sens des choses qui n'en ont pas, un concerto en vies mineures qui s'affirment comme majeures pour la survie d'une espèce désenchantée et désorientée. De la poésie surréaliste en perfusion. La singularité et l'excentricité en partition. Le vrai en suspension. Ou rien de tout ça. Mais c'était bien.

Needcompany
Performers weNEEDmoreCOMPANY Invisible Time Contact
 
productions
Jan Lauwers Grace Ellen Barkey Maarten Seghers arts de la scène arts visuels Film
 
dates de tournée
Calendrier
 
Publications
Livres Musique Film
 
Bulletin
S'inscrire Archive
NEEDCOMPANY  |  info@needcompany.org  |  Privacy  |  Pro area
This site uses cookies. By continuing to browse the site, you are agreeing to our cookies policy.