En programmant la première pièce de groupe de Maarten Seghers en tant que chorégraphe en électron libre, après son solo (remarqué notamment en France au Théâtre de Vanves), le festival lillois Latitudes Contemporaines a accompli une belle prise de risque. Notre artiste, à la fois musicien, danseur, performer et plasticien, est issu de la Needcompany de Jan Lauwers. Ressort de là dans son travail une théâtralité burlesque, quasiment enfantine et jouant avec les réflexes ataviques de notre part animale. Comment mêler l’humour à la musique ? O répond à cette question par un style déroutant. D’entrée de jeu, en homme orchestre [Simon Lenski sic] paré d’un violoncelle dont il fait ressortir quelques notes démultipliées par les basses, Maarten Seghers donne le ton. Sur le plateau, ses quatre acolytes masculins ajoutent à l’envi des traits innocents, acrobatiques, statiques ou impulsifs, toujours drôles et décalés. Au violoncelle succèdent tambours et batterie. On retiendra de cette performance notamment la scène éponyme de la création où les cinq interprètes se retrouvent cagoulés par des morceaux de moquette en déclamant à l’unisson des mots qui finissent par la sonorité « o ». On se rappellera aussi avec plaisir le moment où l’un des compères se transforme en vache, une clochette au cou. Amusant ? Mais pas que. Derrière l’ironie bienveillante de la pièce (certes parfois encore marquée du sceau du premier opus de groupe, la fragilité de construction), se cache un second niveau de lecture : à qui sait entendre, sous le vacarme sympathique des instruments, la portée philosophique d’un monde qui a perdu l’unité de la vérité au profit de la multiplicité parfois déconcertante des êtres, un univers poétique s’ouvre. C’est celui du « vivre avec ». Autrui est donc le thème principal de la pièce. Un challenge relevé avec amour.