Jouer avec la catastrophe
UWE MATTHEISS - TAZ (10 mars 2011)

Jan Lauwers & Needcompany apportent “L’art du divertissement” au Burgtheater viennois. Leur popularité ne décroît pas chez les créateurs de théâtre: les situations banales, où le théâtre est toujours en deçà. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de refléter de manière critique notre société dominée par les médias: Berlusconi, Bunga-bunga, blablabla. Des émissions en direct avec des abonnés qui ronflent dans la salle sont à proscrire. Comme “medium”, le théâtre ne peut pas , par définition, rivaliser avec les médias, et ce genre de lamentation sur la déchéance culturelle n’est en soi rien d’autre qu’un amusement qui se vend bien. Mais quand c’est un ensemble comme la Needcompany de Jan Lauwers qui se jète sur la pente lisse qui sépare scène et ‘formats’ médiatiques, alors, il faut le voir. Les expéditions multilingues et multimédias de la Needcompany aux frontières du théâtre ont commencé en 1986 à Bruxelles et sont aujourd’hui présentes dans tous les festivals importants. Pour l’heure, les membres de cet ensemble, “Artists in Residence”, sont les nouveaux renforts du Burgtheater de Vienne. Leur pièce “L’art du divertissement” jouée au Akademietheater démontre comment le théâtre contemporain rate le coche. L’univers du théâtre n’est peut-être pas tant une fenêtre en verre qui offre un regard, une perspective juste sur la réalité, mais plutôt une boule de cristal qui déforme la perception; qui absorbe toute la lumière et en dehors de laquelle il n’existe pas d’autre monde. Il puise parfois sa force dans des sources douteuses, dans des restes d’illusions de fête foraine et dans une pulsion enfantine de se déguiser. Flanquée de filles Rai-Uno aux hanches ondulantes, Viviane De Muynck met une perruque synthétique blonde, comme un chapeau de magicien, et annonce les sensations de la soirée. On nous offre le suicide d’un acteur, avec un dernier repas opulent et des millions de téléspectateurs. Ce futur suicidé s’appelle Saul J. Waner, un acronyme de Kan Lauwers. Il est incarné par l’acteur du Burgtheater Michael König. L’ode à la “liberté” individuelle que chaque individu de 55 ans et plus a de se retirer de la circulation ne semble pas trop sérieuse: grâce à quelques astuces théâtrales bon marché, Waner va revenir plusieurs fois d’entre les morts, ce dont sa bien-aimée qui répond au nom lourd de sens de Gena (Grace Ellen Barkey) ne peut que modérément se réjouir. L’incapacité totale à parler de la mort ne peut désormais plus être compensée par un jeu porteur de sens. […] Messieurs Duchamp et James Brown (Julien Faure, Misha Downey) pimentent l’ultime repas avec un numéro enragé chef-garçon. Eléonore Valère, dans une robe bleu ciel, se lance avec un abandon parfait dans un pas-de-deux avec la caméra. Le médecin qui va tuer (Benoît Gob) nous brise en passant le coeur avec sa publicité pour la bonne cause – Médecins Sans Frontières – au bout du compte, c’est une émission en direct à laquelle il participe. Sylvie Rohrer du Burgtheater traduit cet appel au sens civique de l’allemand en français et vice versa. Finalement, nous nous demandons si nous n’assistons pas à un grand malentendu. Jan Lauwers et son ensemble recyclent avec gusto les déchets de traditions théâtrales dépassées et abondent, par là même, dans le sens des gardiens de ces traditions. La résistance face au théâtre institutionnalisé qui était un jour à l’origine de carrières théâtrales comme celle de Jan Lauwers, aussi dépassée soit-elle, fait toujours son effet. […]

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