Des lapins impitoyables dans une atteinte à la raison
Tom Rummens - DE MORGEN

La nouvelle production de la Needcompany a été présentée de façon unanime comme la représentation qui devait fêter les quinze ans d'existence de la compagnie de Jan Lauwers (DM 28/2). Cette production fourmille de références à l'œuvre théâtrale précédente de Lauwers. Citons notamment une danseuse qui prend exactement la même position que la femme dans Caligula (1997). Il y a l'image connue des vases empilés, le couvre-chef garni de fruits. Et l'image très brève mais très littérale de Morning Song (1999), dans laquelle un danseur serre entre ses mains la tête d'une danseuse sur pointes. De même en ce qui concerne le lien entre la danse, le théâtre et la musique, cette représentation évoque Morning Song. Les scènes de danse sont particulièrement raffinées. C'est le cas d'un duo très bref mais extrêmement énergique qui se déroule à la limite entre scène et coulisses. Une scène littéralement marginale donc et c'est précisément par cette marginalité qu'elle caractérise le langage théâtral de Lauwers: peu d'unité et énormément de sensibilité... pour le détail le plus subtil. Un langage volant en éclats qui nous fait constamment douter du statut de la perception et de la raison. La représentation est basée sur le récit apparemment fin d'un homme dont la femme est décédée dans une explosion dans un magasin de kebab, juste avant le début de la guerre. Il n'est pas aisé de savoir si elle est morte suite à l'explosion ou à cause de la première explosion de bombe de la guerre. Au cours de la représentation, ce récit est raconté à partir de différentes perspectives. Ce qui reste est surtout une atteinte à la raison du spectateur qui va volontairement ou non à la recherche d'univocité et de consistance. Images of Affection traite de la façon légère dont les hommes peuvent se servir de la mort et de la violence. Quand un personnage "vivant" demande à un personnage "mort" si rien ne lui manque maintenant qu'il est mort, celui-ci répond finalement: "Oui, des poches à mon pantalon. C'est un sentiment étrange, ainsi sans poches de pantalon". Lauwers effectue une quête d'un équilibre étrange mais qui glace le sang entre le pessimisme accablant teinté de violence, de guerre, de malheur et de mort d'une part et la légèreté intolérable répondant à ce pessimisme d'autre part. Les deux composants étant indissociables. Ce duel est particulièrement mis en évidence dans Images of affection par l'image des lapins. Le lapin fait référence à l'affection dans le titre de la pièce. Mais les masques des têtes de lapins sont réalisés dans un matériau dur dont on se sert également pour les têtes nucléaires et les gilets pare-balles. L'ambiguïté l'emporte également à cet égard. Chaque détail en fait une représentation sur le mensonge, la tromperie, la perception qui nous trompe. "Aimez-le, ayez confiance et laissez-le en paix" est la boutade extraite du livre Underground de Don DeLillo, que Lauwers a choisie comme fil conducteur pour cette représentation. Celui qui ose prendre cette attitude peu évidente par rapport à son théâtre, comprend que, malgré ce sentiment de fragmentation, il s'agit d'une forme particulièrement conséquente de faire du théâtre.

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