Encore une fois, c’est fascinant.
Juan Carlos Romero - NAU NAU Arts Magazine (12 juillet 2018)

Face au mur

Maybe the problem, problem, problem doesn’t need solving. C’est ce qu’on pouvait lire sur un tissu rose qui recouvrait la scène de la salle 3 de L’Auditori de Barcelone. Une batterie à la verticale, des guitares électriques, une énorme cloche et des micros composaient le reste de la scène jusqu’à ce qu’apparaissent les trois membres d’un groupe qui, selon le titre du spectacle proposé par la troupe belge Needcompany, allaient aborder le concert à l’envers. Après que les trois membres furent montés sur scène, le concert commença. Une compagnie de théâtre, en réalité l’une des compagnies les plus prestigieuses d’Europe, nous proposait un concert à L’Auditori. Évidemment, ce n’aurait pu être un concert normal. Le parcours de la Needcompany est bien connu : il va du théâtre à une multitude d’autres disciplines artistiques comme la musique, la danse ou le cinéma, et ce, toujours en déstabilisant le spectateur, en le troublant. C’est peu dire. Ou peut-être en le transportant d’une manière plus sûre et pas aussi manichéenne que les courants scéniques apparentés ont coutume de le faire.

Concert by a band facing the wrong way est une coproduction de Escenes_músiques en moviment de L’Auditori de Barcelone avec le Festival Grec 2018, le Malta Festival Poznań et la troupe belge Needcompany, fondée en 1986 par Jan Lauwers et Grace Ellen Barkey, un centre bouillonnant d’énergie et de créativité où convergent le théâtre, la danse et l’art de la performance. Jan Lauwers et Grace Ellen Barkey sont les deux piliers qui ont soutenu ce projet dont la création, la direction et la dramaturgie correspondent totalement à Maarten Seghers, acteur, interprète, musicien et artiste, et membre de la Needcompany depuis 2001. Créateur d’objets et d’installations, il a fondé, en 2006, OHNO COOPERATION avec Jan Lauwers et la musicienne Elke Janssens, afin de créer des performances artistiques, des vidéos, des installations et de la musique. OHNO COOPERATION invite également d’autres artistes et musiciens à travailler ensemble et présente leurs projets lors d’expositions et de concerts internationaux.

Dans les œuvres précédentes de Maarten Seghers, l’humour et l’absurde ont toujours joué un rôle fondamental ainsi que le questionnement des pratiques artistiques dominantes, toujours avec des propositions intelligentes et inimitables, où la beauté et l’hilarité montrent avec amour et cruauté la contradiction de l’artiste sur scène, dominé par son désir de plaire, un mal qui détermine également l’attitude du public face à ses œuvres ; cela crée un cercle vicieux, fascinant vu de l’extérieur mais appauvrissant quand on en fait partie. Telle était sa démarche dans ses œuvres précédentes comme What do you mean what do you mean and other pleasantries (2014) et O or The Challenge Of This Particular Show Was To Have Words Ending In O (2016), et c’est dans cette perspective qu’il a créé ce Concert by a Band Facing the Wrong Way.

L’auteur lui-même décrit l’œuvre comme le portrait d’un groupe d’artistes occidentaux qui courent sans fin sans qu’on sache vraiment s’ils fuient la misère du monde ou s’ils s’élancent vers elle. Et dans cette indécision pleine d’efforts enfermés dans un noyau, se produit un effet de cocotte-minute qui, étrangement, conduit à une exubérance désorientée car tout est amplifié, et pas seulement le son des guitares et des voix. C’est comme cela que le groupe essaie de communiquer, mais n’y arrive pas. Il n’y a pas de coup de projecteur, seulement un désir semblable à celui qu’exprimait Adriana Varela dans sa chanson Pasillo de la vida, un merveilleux tango de Marcelo San Juan et Francisco Bagalá : « Corrientes flotando, pasada de pasión, triste porque sí bien, pero mal también porteña al fin, yo busco no sé qué » (« Courants flottants, passion vécue, triste, parce que oui, bon, mais également mauvais, je suis et reste une fille de Buenos Aires, à la recherche de je ne sais quoi »). Ainsi, le groupe joue et crie, tout est audible, mais est-ce compréhensible ? Le groupe, formé par Maarten Seghers et Rombout Willems, guitaristes et chanteurs, et par Nicolas Field, batteur, se fracasse sans cesse contre ce mur mais n’aboutit à rien – illustration de l’impuissance à laquelle le public assiste, lui-même impuissant, et passant de la complicité dans les moments hilarants à la négation ou la gêne. Cela dépend si on veut se regarder dans ce miroir ou nier son existence… À la première occasion, de nombreuses personnes quittèrent la salle, et le reste du public se sentit désorienté, tout comme le groupe. Le public ne sut comment réagir, au point que les rires, dans les moments les plus drôles, se firent timides. Comme quand on ne sait pas s’il faut se lever ou applaudir à la fin d’une œuvre, et qu’on regarde autour de nous pour voir ce que font les autres. Et c’est là la preuve que l’œuvre fonctionne à merveille, car elle révèle l’attitude d’un public dépendant et habitué aux modèles qui lui permettent de savoir comment se comporter, ce qui corrompt également la création artistique. Ce n’est pas seulement l’artiste qui veut plaire, mais également le public qui veut être satisfait et guidé. Encore une fois, c’est fascinant.

Merci à L’Auditori de Barcelone
www.auditori.cat

 

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