Rhythm Conference feat. Inner splits
Judith Dybendal - scenekunst.no (2 mars 2015)

Avec le spectacle « Rhythm Conference feat. Inner splits », MaisonDahlBonnema entend placer l’humain au centre, loin des rôles et des personnages. Le résultat, écrit Judith Dybendal, est un univers complètement différent de ce qu’on avait pu voir précédemment dans leur trilogie d’opéra sur le couple mythique Rick et Ronny.

Dans la trilogie d’opéra sur Ricky et Ronny, MaisonDahlBonnema essayait d’explorer les limites des possibilités de la comédie musicale – et de l’opéra. Il arrivait qu’une réplique soit chantée, et dans le dernier opéra de la trilogie, Analysis – the whole song (2011), le jeu de références à la culture populaire et aux personnages historiques prenait sa pleine dimension grâce à l’animation 3D, qui constituait un élément central du spectacle. L’expression scénique de Rhythm conference feat. Inner splits est plus pure, plus minimaliste, et beaucoup moins basée sur les formes d’expression propres à l’opéra.

Dans le livret de Rhythm conference feat. Inner splits, on peut lire que « de nos jours, nous avons beaucoup trop de choses, un épidémie de choses. Pour faire contrepoids, nous avons droit ici à une gigantesque énumération, qui traverse tout : une ode à la vie, une étude du rythme et de l’expressivité, dans laquelle un batteur excite trois acteurs – ou trois anges – comme un messager de bonnes et de mauvaises prédictions. L’art ne parle pas de beauté, mais il peut être sublime. » Le souhait de se rapprocher du dépassement des limites, tant sur le fond que dans la forme, constitue la prémisse de l’expression artistique de ce spectacle.

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Entrer et sortir de la fiction
Sur la scène, Bonnema et Dahl entrent et sortent plusieurs fois de la fiction. Par instants, ils redeviennent eux-mêmes et rappellent au public que tout ce qui se trame là n’est qu’une illusion. Le texte oscille entre différents motifs : la violence, le pouvoir, l’abus, la rébellion, la destruction de la terre et l’ode aux possessions. La dystopie alterne avec l’utopie. Des chansons simples et touchantes, inspirées de la pop, du cabaret et de la comédie musicale interrompent l’expression souvent puissante, et des actes où domine un roulement de tambour expressif relient l’ensemble en un tout cohérent.

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Texte compact
Cependant, lorsqu’on s’intéresse à la forme, le texte s’avère être ambigu et constitué de différents monologues et dialogues, souvent motivés par des hasards. Un langage imagé constitué d’intellectuel et de vulgaire, de clichés et de tournures inhabituelles, donne un résultat comique tout particulier. Bonnema, surtout, utilise l’énumération et la répétition comme un instrument porteur dans Rhythm Conference feat. Inner Splits. Une image simple, toute banale, est agrandie à l’excès et glisse du concret vers l’abstrait.

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« Rhythm conference feat. Inner splits » se situe quelque part entre le théâtre et le concert, le show, le cabaret, les rituels, l’improvisation et la performance. Le spectacle tente des expériences avec ces différentes formes, et le résultat est étonnant – mais cela fonctionne. Il est tentant de comparer cette expérience à une savonnette glissante qui échappe constamment aux mains du spectateur : à chaque fois qu’on pense enfin avoir prise sur le texte et sur ce qui se passe sur scène, ce qui nous est proposé prend une tournure inattendue. A cet égard, Dahl et Bonnema ont largement réussi le pari artistique qui sous-tend ce spectacle : ‘Nous disons non aux formes et conventions existantes, et nous cherchons le monstrueux et ce qu’on ne peut pas représenter, dans une tentative d’échapper à la pensée unique dominante du capitalisme’. Une esthétique postmoderne s’exprime dans leur tentative d’approcher l’inexprimable, ce qui, dans le chef du public, dépasse la capacité à tâtonner et à juger.

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Rhythm Conference feat. Inner Splits nous invite à nous regarder à distance. Lorsque le spectacle déclare faire contrepoids à « l’épidémie de choses », cela se passe peut-être principalement dans la tentative de nous signaler les possibilités de nos pensées pour peu que nous allions un rien plus loin que ce que nous pouvons imaginer.

 

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