Qu'on le regrette ou s'en réjouisse, la présence beIge dans le "in", ce sont les Flamands. Et d'abord l'impériale Viviane De Muynck, prodigieuse actrice révélée au grand public par son rôle d’lsabella dans la pièce de Jan Lauwers. Forte, à la voix grave, assumant avec majesté son âge, jouant tout aussi bien dans toutes les langues, elle impose d'emblée sa présence quand elle apparaît, seule en scène, dans le Théâtre municipal d'Avignon. "La Poursuite du vent" Elle y joue Claire Goll, égérie du début du XXe siècle, amie et souvent amante de tout ce que compta la révolution moderne: Joyce (qu'elle détestait), Rilke (si sensible), Breton (insupportable d'arrogance), Dali (si fou), Léger (adorable). Claire Goll était avant tout amoureuse folle de son mari Yvan, poète et coureur de jupons. Née en Allemagne, émigrée en Suisse, puis dans le Paris des années 20, elle passa la guerre à New York comme tant d'artistes. Yvan Goll meurt jeune, la laissant ressasser son passé qu'elle traduira au crépuscule de sa vie dans un livre trop oublié, "La Poursuite du vent". C'est ce texte que Viviane De Muynck et Jan Lauwers, qui met le monologue en scène, ont redécouvert. L'actrice rêvait de retrouver un rôle comme celui d'Isabella retraçant toute sa vie. lci aussi Claire Goll passe en revue toute son existence avec une lucidité inouïe. Le bonheur de la jeunesse s'est transformé dans les ruines du grand âge, dans les affres de l'exil. Et Viviane De Muynck termine en pleurs (réels) devant ce passé qui s'échappe. Elle est formidable dans ce rôle. Et Jan Lauwers lui a concocté une mise en scène efficace. Quand elle apparaît dans la pénombre, les spots descendent des cintres les uns après les autres formant bientôt une voûte étoilée qui la cerne. A la fin, au lieu du baisser de rideau, ce sont les spots - éteints cette fois -, qui descendent jusqu'à la scène, emprisonnant l'actrice dans un lacis de barres métalliques.