Hans Petter Dahl et Anna Sophia Bonnema forment ensemble MaisonDahlBonnema, une compagnie née dans le giron de Needcompany. Après 'The Ballad of Ricky and Ronny', sélectionné pour le Theaterfestival 2008, et 'Ricky and Ronny and Hundred Stars – a sado country opera', ils clôturent aujourd’hui leur trilogie-opéra contemporaine sur Ricky et Ronny avec 'Analysis – the whole song'. Cette trilogie est une des œuvres les plus remarquables de ces dernières années. Les personnages principaux sont Ricky et Ronny. Ils ne semblent se faire aucune illusion sur leur relation. Et aucune étrange contorsion cérébrale ni désir pervers n’est évité pour compenser. Chez eux, il faut aller loin pour chercher des ‘valeurs’ et des ‘normes’. La première fois, l’histoire se passe dans une grande ville, la deuxième quelque part dans le cosmos, la troisième est un voyage dans le temps et dans l’espace. L’ensemble : un opéra qui contemple bien en face le ‘déclin de la société occidentale’ de façon provocante, mais – et c’est fou – qui frise parfois le comique. Opéra est d’ailleurs un terme trompeur pour désigner cette création. Les dialogues, de la plume de Bonnema, sont mis en musique par Dahl. On chante donc constamment, mais l’orchestration des deux premières parties se limitait surtout à des compositions live pour synthé. « Dans la troisième partie, la musique est plus riche, parce que nous ne l’interprétons plus en direct, sauf les chants évidemment », explique Hans Petter Dahl. Le décor reste lui aussi très simple, même si de merveilleux courts-métrages d’animation clôturaient les deux premières parties. Dans Analysis, ces films d’animation jouent les rôles principaux. Dahl : « C’est vrai, dans Analysis, nous utilisons beaucoup le film d’animation. Cette fois, nous avons travaillé avec la motion capture : nous avons joué quelques personnages avec un costume équipés de capteurs sensoriels, ça nous a donné la base pour les images d’animation, les mouvements sont réalistes. On peut donc mettre en scène beaucoup plus de personnages que nous ne pourrions le faire juste nous deux. C’était toute une recherche d’équilibrer le film et l’action en direct. » Bonnema : « Nous nous sommes intéressés à deux grands hommes du 19e siècle : Freud et Marx. Analysis s’inspire de leurs œuvres et de celles de leurs disciples marxistes de la Frankfurter School. Nous les confrontons à une poignée d’enfants meurtriers, à nous-mêmes ou à Adam et Eve. » S’agit-il donc d’une sorte de thérapie de couple après les événements de la première et de la deuxième partie ? Dahl : « C’est thérapeutique, d’une certaine façon : je pense que chacun dans notre société est malade. Il est impossible d’intérioriser toutes les exigences contradictoires qui nous tombent dessus. Et alors, que se passe-t-il quand on commet une faute ? Peut-on vraiment recommencer à zéro ? » Bonnema : « Nous utilisons un matériau très divers. Des histoires très personnelles en fait, mais pas autobiographiques. Nous représentons des alter ego, des vies alternatives possibles mais que nous n’avons donc pas vécues. » Dahl : « Cette pièce propose des réflexions sur une réalité cinématographique face à laquelle nous nous trouvons. Ce sont autant d’autoportraits possibles dans un monde parallèle. Mais pas nécessairement beau pour autant : il est coloré par ce que Lacan qualifie du réel ; une situation où tous les cadres familiers de compréhension des choses ont disparu. Les situations de guerre sont de pareils moments. » Dans les deux premières parties, vous mettez en scène un couple épuisé à mort. Et pourtant, vous êtes toujours ensemble. Dahl : « C’est délicieux d’être constamment ensemble. Si nous ne montions pas ensemble sur scène, nous ne nous verrions jamais. Nous faisons tout ensemble, comme les paysans. Mais nos terres sont vastes. »