La performance de rêve : 25 Moves de Needcompany pour Dansand ! Le remix de musique live, danse, costume et images en l’honneur des 25 ans de la jeune compagnie a envahi la plage d’Ostende dimanche soir tel un véritable tourbillon. Car là où le petit humain, éphémère, lutte avec tout ce qu’il a avec l’éternité de la mer, la folie, l’amour, l’excès et la beauté se mêlent sans cesse les uns aux autres. La première image de Needcompany a fait mouche. Une troupe de théâtre, chatoyante, sur la plage, au loin, en train de danser et de chanter, à la seule force des voix. Des performers intrépides qui osent quitter la sécurité et le confort de la salle pour utiliser l’espace subjuguant de la plage, dans toute sa force et sa plénitude poétiques. Jamais on n’avait vu une telle conviction lors de la troisième édition de Dansand ! Meg Stuart l’avait déjà fait, mais tout en conservant l’équilibre visuel avec les excavatrices de Jozef Wouters. La constellation méditative d’Alexander Baervoets a aussi donné une impulsion courageuse, tout en restant prudemment contemplative. Et dans les First Dates ou Thirst de David Hernandez, la plage était avant tout décorative et le spectacle ne s’est pas éloigné des tribunes. Needcompany ne s’inspire pas des conditions de salle que la scène en plein air s’efforçait de reconstituer, mais puise une liberté de mouvement dans les obstacles du vaste environnement. Les performers recherchent sans cesse le duel acoustique avec la plage. Même si Needcompany approche des gradins pour poursuivre sa jam session. Pas de concert rock sans haut-parleurs, qu’ils ont dû se dire. Et bien vite, la guitare suffocante de Maarten Seghers, compositeur maison, oscille entre song et soundtrack, de toute sa puissance. Impossible alors d’embrasser d’un seul regard tout ce qui se passe sur la plage. On s’arrête sur l’apparition excessive de Grace Ellen Barkey en déesse orientale, tandis qu’ailleurs sur la plage se déroule un duo de danse passionné. Et entretemps, un performer se métamorphose en créature fabuleuse sous les teintes infernales du costume de Lot Lemm. Le trip où l’on est plongé ouvre sur un univers fantasque tour à tour d’une émouvante douceur et d’un tranchant acéré. Si 25 Moves puise dans l’arsenal plastique de Needcompany, cette performance est surtout une ode à l’être humain et à sa puissance imaginative. Ce mix de théâtre (in situ) et de jam session est un pilier essentiel de la performance. Il procure une variation énergique, et en tant que spectateur, on est tantôt impressionné par les mouvements de danse passionnés tantôt par les costumes hallucinants, ensuite par les extrêmes mental states que les chanteurs Maarten Seghers ou Joeri Cnaepelinckx osent invoquer. Et dans la foulée, ce mix maintient le suspens parce qu’il bouscule les conventions théâtrales ainsi que les genres qui se mêlent constamment. Ainsi la frontière entre performer et personnage est parfois si interchangeable que changer de costume devient un acte en soi. Et la configuration de la jam session avec des phrases musicales et dansées existantes permet à la compagnie de franchir l’impasse à laquelle sont confrontés beaucoup de créateurs à Dansand ! : soit exploiter l’environnement par l’improvisation en risquant de se cantonner à l’ébauche, soit implanter une création nouvelle et relègue la mer au rang de toile de fond idyllique. Le saut que Needcompany ose faire, avec son matériel de studio, s’inscrit bien haut sous le signe de la liberté. Oser se donner l’espace d’exploiter un contexte totalement différent, sans contrôle tout le préalable. En ce sens, 25 Moves célèbre la quête que Needcompany mène depuis 25 ans : expérimenter un style de vie qui s’efforce de puiser la beauté dans la douleur, la légèreté dans la perte, la force dans la supériorité. Oser explorer et questionner ses propres limites physiques et artistiques, oser y achopper, et savoir qu’une force poétique peut naître de cette vulnérabilité. S’exercer à cette transformation de l’impuissance en force. Voilà les bases que Jan Lauwers et Grace Ellen Barkey ont créé ces dernières années pour leur compagnie. Prête pour les prochains rapides. Comme le prouvent les jeunes talents prometteurs qui trouvent leur place au sein de Needcompany. C’est probablement la seule certitude qui soit : que tout poursuit son cours.